Saint Christophe, patron des voyageurs


   Originaire du pays de Cannaan (près du Jourdain), Saint Christophe quitte son pays pour annoncer la foi. Il va notamment en Lycie (actuelle Turquie), où il convertit plus de 48 000 personnes. Arrêté dasn la ville de Samos, en Grèce, il convertit les deux prostituées, Aquilina et Aniceta, qui étaient envoyées pour le séduire afin de lui faire renoncer à la foi chrétienne. Il est ensuite torturé et décapité le 9 mai, vraisemblablement en 251. Il devient ainsi un saint martyr des premiers temps du christianisme et l'un des plus vénérés du moyen-âge.

   C'est vers 1260, que Jacques de Voragine, dans La légende dorée, fait de Saint Christophe un géant au visage effroyable, qui ne veut se mettre au service que du plus puissant personnage du pays. Mais, il est rapidement déçu par ce roi qui craint Satan. Il va donc servir le Diable, mais il finit par l'abandonner lorsqu'il le voit trembler devant la Croix. C'est alors que Babylas, évêque d'Antioche le guide vers le Christ, qu'il se met à servir.

   Dès lors, il emploie sa force au service des voyageurs et des pauvres qu'il prend sur ses épaules pour leur faire traverser le Jourdain. Une nuit, un enfant se présente à lui pour traverser le torrent. La tâche lui semble facile, mais le poids de l'enfant devient rapidement insupportable, et au milieu du fleuve, il est sur le point de succomber. Il lève alors les yeux et voit toujours le même enfant, mais cette fois, il est complètement transfiguré et tient en sa main un globe. Il reconnait alors l'enfant Jésus qui lui révèle qu'il porte le fardeau du monde sur ses épaules. Pour preuve de tout ce qui venait d'arriver le Christ lui donne l'ordre de planter son bâton qui prend racine, et le lendemain se trouve couvert de fleurs et de fruits.

   Ayant porté et protégé le Christ lors de sa traversée, Saint Christophe devient logiquement le patron et protecteur des voyageurs.

Gravure d'Albert DURER (1521)
Gravure d'Albert DURER (1521)

Le développement du culte de Saint Christophe

   Dès le V eme siècle, le culte de Saint Christophe prend un grand essor. Durant toute la période médiévale et après encore, il est invoqué contre de nombreuses maladies, parmi lesquelles la mort subite, l'épilepsie, les maladies veineuses, la toux,  les maux de tête, de dents, la peste, la faiblesse des enfants, les morsures de serpents, et également pour soulager les yeux. Il éloigne la grêle, la foudre, les tremblements de  terre. Enfin, empêche la mortalité des bestiaux.

   Mais au Moyen-âge, c'est encore au nombre corporations de métiers le choisissant comme patron

que l'on mesure la popularité d'un saint. Ainsi, grâce à sa force, il devient patron des déchargeurs de bateaux, des porteurs de grain et des porte-faits.

   Cependant, c'est bel et bien comme patron des voyageurs qu'il est connu. Protecteur des pèlerins en difficulté sur des routes périlleuses, il est très populaires sur les cols et les passages des routes de Rome et de Saint-Jacques-de-Compostelle. Au fil des siècles, et notamment au milieu du XIX eme siècle, son culte s'élargit aux nouveaux moyens de locomotion.

   De cette dévotion à Saint Christophe sont nés de nombreux proverbes dont certains sont encore bien connus aujourd'hui. 

  • "Si tu as vu Saint  Christophe, tu ne crains aucune catastrophe"
  • "Regarde Saint Christophe et va-t-en rassuré"
  • "Ceux qui verront Saint Christophe le matin riront le soir"

   Dans l'Orne, Saint Christophe est bien entendu présent à Saint-Christophe-le-Jajolet, mais il est également patron de deux autres paroisses : la Bazoque (canton de Flers), et Saint-Christophe-de-Chaulieu (canton de Tinchebray).

 

Saint-Christophe-de-Chaulieu, statue XVIII eme
Saint-Christophe-de-Chaulieu, statue XVIII eme

Aux origines de la confrérie de Saint Christophe

  La première confrérie dédiée à Saint Christophe connue en occident est érigée en 1386 dans le Tyrol pour le secours des voyageurs. Pour ce qui est du diocèse de Séez, un document de 1673 atteste de l'existence d'une confrérie à Saint-Christophe-le-Jajolet "établie de tous temps", ce qui prouve l'existence d'un culte ancien dans la paroisse. Cependant, dès la fin du XVII eme siècle et jusqu'à la fin du XIX eme siècle, ce culte s'essouffle et finit par tomber en désuétude, miné par les désordres révolutionnaires et la méfiance du clergé envers un saint vecteur de superstitions néfastes.

   Il faut attendre 1899 pour voir renaître la confrérie. En effet, le 25 juillet 1899, Mgr BARDEL approuve canoniquement une confrérie dédiée à Saint Christophe dans la paroisse de Saint-Christophe-le-Jajolet. Plus de 300 personnes s'inscrivent rapidement, parmi lesquelles on cite en premier M. le duc d'AUDIFFRET-PASQUIER (1823-1905), Académicien, Président de la Chambre, et Président du Sénat.

Gaston d'AUDIFFRET-PASQUIER
Gaston d'AUDIFFRET-PASQUIER

   Les statuts sont simples et faciles à observer. 

  1. Se faire inscrire sur le registre de la confrérie
  2. Porter la médaille de Saint-Christophe
  3. Exposer l'image du Bienheureux dans sa maison 
  4. Réciter au moins une fois par jour l'invocation : "Saint Christophe, priez pour nous"

   En n'oubliant pas d'ajouter à ces obligations le paiement d'une cotisation de 25 centimes, on peut avoir part aux prières publiques qui ont lieu tous les dimanches, et à une messe célébrée chaque mois par des membres de la confrérie. Le curé de la paroisse étant alors l'abbé Gustave DUPONT.


De la confrérie à l'archiconfrérie universelle

   Cependant, notre confrérie ornaise n'est pas la seule à se développer au début de ce XX eme siècle, et l'on songe rapidement à créer une archiconfrérie unissant toutes les confréries sous l'autorité du Saint Père. C'est alors que le nouveau curé, l'abbé Victor THUAULT, sollicite Mgr BARDEL pour qu'il demande à Rome l'érection de la confrérie en archiconfrérie universelle. 

Mgr BARDEL
Mgr BARDEL

 

    D'abord en concurence avec une grande ville du nord de la France (Arras ou Tourcoing), le petit village normand finit par l'emporter, et le Pape Pie X lui confère, par Bref du 8 février 1912, le titre d'archiconfrérie "prima primariapour l'univers entier, l'enrichissant de faveurs spirituelles, avec le privilège de s'affilier toutes les confréries qui se réclameraient de Saint Christophe. A cette date, ces confréries sont composées de plus de 300 000 adhérents dans le monde entier.

 

Saint Pie X
Saint Pie X

Les premiers pas du pèlerinage de Saint Christophe

   L'abbé THUAULT est nommé curé de Saint-Christophe-le-Jajolet en 1907, soit 2 ans après la crise de la séparation de l'Eglise et de l'état. Le choc avait été rude à Saint-Christophe-le-Jajolet, puisque la police avait du ouvrir l'église avec une hache pour pouvoir inventorier les biens de la paroisse, mais ceci n'avait fait que renforcer la dévotion des fidèles. C'est également l'époque où les nouveaux moyens de locomotion explosent : chemin de fer, automobile, aviation, sous-marins. 

   L'abbé Thuault est conscient de ces évolutions et parcourt les environs de Saint-Christophe-le-Jajolet pour promouvoir la dévotion à Saint Christophe. Les inscriptions à la confrérie se multiplient, et un nouveau bulletin apparaît, remplaçant un périodique créé en 1900.

 

Annales de Saint Christophe (1904)
Annales de Saint Christophe (1904)

 

   C'est le 23 juillet 1910 qu'à lieu le premier pèlerinage automobile. En même temps, une statue monumentale de Saint Christophe (réalisée par le sculpteur BOUET), est offerte par une personne préservée du choléra et inaugurée par le Doyen de Mortrée. L’événement est un succès, où se bousculent conducteurs, journalistes, pèlerins et curieux.

Statue monumentale de Saint Christophe
Statue monumentale de Saint Christophe

 

   Dans les années suivantes, des nouveautés sont proposées aux pélerins. En 1913, des courses hyppiques sont organisées, et en 1917, ce sont des soldats canadiens engagés dans le premier conflit mondial qui assistent aux cérémonies.

 


L'accident de l'abbé Thuault

   Le 15 septembre 1920, l'abbé THUAULT manque de perdre la vie dans un accident de la route. Traversant un passage à niveau, il est happé par un train et envoyé à 14 mètres, sans souffrir de la moindre blessure grave.

   Cet évènement, reçu très rapidement comme un miracle fait beaucoup parler. La voiture est restaurée et bénie. De nombreux articles relatant les faits parraissent dans les bulletins de l'archiconfrérie.

 

 


Le temps des foules

   Cette nouvelle notoriété marque une étape décisive dans la vie du sanctuaire. Dès lors les visiteurs sont de plus en plus nombreux, et les animations toujours plus spectaculaires. Ainsi, le 23 juillet 1922, l'acrobate aérien, M TRABAUD, est la vedette de la journée.

   En 1926, l'abbé THUAULT se rend à Rome avec un 5 CV Rosengart. il y rencontre le pape Pie XI à qui il offre une plaquette de bronze représentant Saint Christophe. Il profite du voyage pour visiter de nombreux sites dédiés au patron des voyageurs, où il présente son sanctuaire.

   En 1930, un rallye automobile est organisé.  


    Les nombreux succès des pèlerinages poussent les responsables à envisager un agrandissement du sanctuaire. L'architecte René MOURZELAS propose un gigantesque complexe, avec garage, hôtels, nouvelle basilique, statue monumentale de Saint Christophe. Cette dernière réalisation ferait plus de 100 mètres de haut, comporterait une chapelle dans la tête, et un ascenseur dans le bâton du Saint.


   Finalement, ils reviennent à des idées plus modeste et construisent un calvaire-rocher qui est inauguré en 1938, donnant lieu à de nombreuses réjouissances dont une représentation de la légende de Saint Christophe par des jeunes des alentours.

 

   Le pélerinage vit alors ses grandes heures. Néanmoins, la mort de l'abbé THUAULT en 1940 et la guerre mettent un frein à cette expansion.

 


Un pèlerinage enraciné dans le diocèse de Séez

    A l'abbé THUAULT succède l'abbé Jean LE BIGOT. C'est lui qui, après les bombardements de 1944 doit restaurer, avec l'aide du Duc d'AUDIFFRET-PASQUIER, la nef et les vitraux endommagés.

Entre 1950 et 1953, une salle paroissiale est edifiée, et en 1960, un podium extérieur est élevé.

   En 1972, il est rejoint par l'abbé PREVEL curé de Vrigny puis de Mortrée, qui le seconde jusqu'à sa mort en 1973. Dès lors, il le remplace totalement jusqu'en 2005, date à laquelle il est replacé par le Chanoine RENAULT, Archiprêtre de la cathédrale de Sées. Ce dernier quittant la paroisse de Sées est remplacé en 2012 par l'abbé BOZO, curé de Mortrée et vicaire général du diocèse de Séez . En 2016, le sanctuaire est rattaché à la Paroisse Bienheureuse Marguerite de Lorraine d'Argentan, et son curé l'abbé Edouard LEGER devient directeur de l'Archiconfrérie. Il continue à faire vivre ce pèlerinage séculaire entouré des nombreux et dévoués bénévoles de l'archiconfrérie.

Les abbés PREVEL, RENAULT, BOZO et LEGER
Les abbés PREVEL, RENAULT, BOZO et LEGER